EN BALLON AU DESSUS DU WADI RUM

La nuit venait à peine de tomber sur le Wadi Rum mais le froid s’installait comme si le soleil éclatant de la journée n’était qu’un lointain souvenir. Le feu crépitait déjà sous le plafond de pierre de la petite anfractuosité où nous allions passer la nuit. Abritées du vent, les flammes dansaient sous nos yeux et projetaient des ombres étranges sur la paroi ocre et brune. Attalah nous avait rejoint et la conversation avec ses deux plus jeunes frères allait bon train. Les écouter parler arabe, assis au beau milieu du désert, me transporta doucement à une autre époque. Un temps où nous aurions pu boire le même thé sucré avec leurs ancêtres, assis en tailleur au même endroit et sous le même ciel étoilé. Plus tard, le son du oud est venu remplacer celui des conversations sans pour autant me sortir de ma rêverie.

Le long de cette interminable paroi de pierre, le son courrait aisément et nous nous entendions murmurer là où nous aurions normalement du crier. Si nos paroles nous échappaient lestement, je ne saurai en dire autant de nos corps accablés par la chaleur. Dans ce monde où les distances n’obéissent pas aux règles que nous connaissons, notre chemin semblait se rallonger sous nos pas. S’arrêter à l’ombre devient ici un besoin vital. En levant la tête j’ai souri à l’idée que le ciel dégagé nous permettrai sûrement de voler le lendemain. Sans le savoir, j’étais en train de contempler notre trajet dans le ciel : juste à coté de ce petit nuage, entre ces deux falaises où les courants d’air allaient guider le ballon gonflable. Depuis le ciel, le paysage s’étire jusqu’à l’horizon et chaque montagne semble alors à sa place comme les coups de pinceau d’un tableau de maître.